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Fraude bancaire : la Cour d’appel de Rouen confirme la responsabilité de la banque en cas d’opérations non autorisées
Dans un contexte où les fraudes aux moyens de paiement se multiplient, la jurisprudence apporte régulièrement des éclaircissements sur la répartition des responsabilités entre la banque et son client. L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Rouen le 26 juin 2025 (n° RG 24/02519) en est une illustration : il confirme la responsabilité de la banque en cas d'opérations de paiement non autorisées, sauf à prouver la négligence grave de son client (Lire la décision).
Les faits : des virements frauduleux sur fond d’authentification forte
Le 12 janvier 2023, trois opérations de paiement d’un montant total de 30 290,48 € ont été débitées du compte de M. X. Alerté par sa banque via un e-mail, ce dernier dépose plainte et conteste les paiements comme non autorisés. Il réclame immédiatement leur remboursement.
La banque BNP Paribas refuse, invoquant que les transactions ont été validées via sa "clé digitale", un dispositif d’authentification forte.
Le tribunal judiciaire de Rouen, saisi par l’usager, donne raison à ce dernier : la banque est condamnée à rembourser les sommes prélevées frauduleusement, avec application des intérêts majorés prévus par le Code monétaire et financier. BNP Paribas interjette appel.
La décision : confirmation de la responsabilité de la banque
Par son arrêt du 26 juin 2025, la Cour d’appel de Rouen confirme le jugement de première instance. Elle rappelle les principes suivants :
1. L’obligation de remboursement incombe à la banque
En application de l’article L.133-18 du Code monétaire et financier, une opération de paiement non autorisée doit être remboursée immédiatement par le prestataire de services de paiement, sauf à démontrer une fraude ou une négligence grave de l’utilisateur.
Dans cette affaire, la banque n’apporte pas la preuve d’une telle négligence. L’utilisation d’un outil d’authentification forte, en l’espèce la clé digitale, ne suffit pas à elle seule à démontrer que le client a autorisé la transaction ou a été négligent.
2. La preuve de la négligence grave incombe à la banque
La cour rappelle qu’il appartient à la banque d’établir que le client a commis une négligence grave. Or, elle ne rapporte aucun élément démontrant que M. X aurait divulgué volontairement ses données confidentielles ou validé les opérations.
Le simple fait que les opérations aient été réalisées ne suffit pas : les soupçons, suppositions ou reconstitutions internes de la banque ne sont pas recevables comme preuve. La Cour ajoute que les historiques informatiques fournis par BNP Paribas n’ont pas de valeur probante suffisante.
3. L'indemnisation du préjudice subi
Outre le remboursement de la somme fraudée, la Cour condamne la banque au paiement d’intérêts majorés (jusqu’à +15 points au-delà de 30 jours de retard), conformément à l’article L.133-18 du Code monétaire et financier. Elle ajoute une indemnité complémentaire de 4 000 € au titre des frais de procédure (article 700 CPC).
En revanche, la demande du client d’indemnisation supplémentaire liée à la souscription d’un prêt personnel pour couvrir le découvert généré par la fraude est rejetée : l’emprunt n’est pas directement lié à la fraude.

Une décision qui renforce les droits des consommateurs bancaires
Cette décision illustre l’exigence jurisprudentielle à l’égard des établissements bancaires dans la lutte contre la fraude. Elle confirme que la banque doit assumer la charge de la preuve de la négligence grave en cas de contestation d’opérations non autorisées.
Elle rappelle également aux usagers l’intérêt d’agir rapidement et de documenter leur opposition aux paiements frauduleux.
Conclusion
La Cour d’appel de Rouen rappelle les obligations strictes qui pèsent sur les banques en matière de sécurité des paiements. La validation d’un paiement via un dispositif d’authentification forte ne suffit pas à exonérer la banque de sa responsabilité. En cas de litige, seule la preuve d’une négligence grave permet de refuser le remboursement à un client victime d’une fraude.
Entreprises et particuliers doivent connaître ces règles pour réagir efficacement en cas de fraude, tandis que les banques doivent redoubler de vigilance et renforcer leurs dispositifs de sécurité.
Si vous êtes confronté à un litige bancaire ou à une opération frauduleuse, n’hésitez pas à consulter un avocat en droit bancaire pour faire valoir vos droits.