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Fraude au chèque : quelle responsabilité pour la banque en l’absence de remise à l’encaissement ?
Par un arrêt du 5 mars 2025, la chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée sur la responsabilité d’une banque dans un cas de fraude au chèque. En l’espèce, un particulier avait sollicité son établissement bancaire afin de vérifier l’authenticité d’un chèque de banque, présenté sous forme de photocopie, avant de procéder à une vente. La banque n’ayant pas émis de réserve particulière, le vendeur a remis le bien à l’acheteur.
Quelques jours plus tard, le chèque, une fois déposé, s’est révélé être un faux.
Le demandeur a donc assigné sa banque en responsabilité, invoquant un manquement à son obligation de vigilance.
Les faits
Le 8 septembre 2018, M. S., vendeur d’un véhicule, se rend dans son agence bancaire pour faire vérifier une photocopie d’un chèque de banque qui lui a été remis par l’acheteur. N’ayant pu obtenir de réponse de l’établissement émetteur, la directrice d’agence lui conseille de revenir plus tard. Le 11 septembre, M. S. dépose le chèque à l’encaissement. Le 18 septembre, la banque l’informe que le chèque est falsifié. Il engage alors une action contre sa banque pour obtenir réparation.
La décision de la Cour de cassation
La Cour rejette le pourvoi formé par M. S. Elle rappelle un principe fondamental : la banque n’est tenue de détecter les anomalies apparentes d’un chèque que lorsqu’il lui est effectivement remis à l’encaissement.
Elle précise que la présentation d’un simple duplicata (photocopie) ne suffit pas à engager l’obligation de vigilance ou de conseil de la banque. En l’absence d’un engagement contractuel, la banque n’est pas tenue de vérifier l’authenticité d’un document qui ne lui est pas confié dans le cadre de ses services habituels.
Ainsi, la Cour de cassation considère que la banque n’a commis aucune faute, ni en s’abstenant de refuser formellement la vérification, ni en laissant le client dans l’attente d’une réponse qu’elle n’était pas tenue de fournir.

Portée de la décision
Cette décision conforte la jurisprudence antérieure selon laquelle l’obligation de vigilance du banquier est strictement encadrée. Elle s’applique :
- Uniquement lorsque la banque intervient dans le cadre de l’encaissement ;
- Lorsque le chèque lui est matériellement remis pour traitement ;
- Et dans la mesure où des anomalies apparentes peuvent être constatées par un professionnel averti.
En dehors de ces conditions, la responsabilité bancaire ne saurait être engagée.
Enjeux pratiques pour les particuliers et professionnels
Cette décision illustre les précautions que doivent prendre les clients, en particulier les vendeurs :
Une copie d’un chèque, même de banque, ne permet aucune vérification formelle par la banque du bénéficiaire.
L’authenticité d’un chèque de banque ne peut être garantie qu’à réception de l’original et à l’issue de son encaissement effectif.
En cas de doute, le vendeur peut contacter directement l’établissement émetteur ou solliciter un vérification écrite avec accusé de réception.
Cette vigilance est d’autant plus cruciale pour les transactions impliquant des montants significatifs, comme la vente de véhicules ou d’équipements professionnels.
Conclusion
La Cour de cassation rappelle dans cet arrêt que la responsabilité d’une banque ne saurait être engagée lorsqu’un chèque lui est simplement présenté en copie, hors du cadre de l’encaissement. Cette décision souligne l’importance pour les particuliers et les professionnels de rester prudents face aux documents bancaires falsifiés. Elle confirme également que le devoir de vigilance du banquier n’est pas une obligation générale de conseil, mais une obligation ciblée, déclenchée par la remise formelle du chèque.
En cas de litige relatif à une opération bancaire frauduleuse, un accompagnement par un avocat en droit bancaire à Rouen est fortement recommandé.